- X (RAYONS)
- X (RAYONS)Dans la suite continue des radiations électromagnétiques que l’on sait produire, depuis les longueurs d’onde très courtes de l’ordre de 10 size=1漣4 nm jusqu’à celles de l’ordre de plusieurs kilomètres, on appelle rayons X les radiations comprises entre 0,01 et 5 nm environ. Ces limites ne sont pas précises et, en fait, c’est plutôt leur mode de production qui définit les rayons X: ils sont émis par le bombardement de la surface d’un solide par des rayons cathodiques, ou faisceaux d’électrons accélérés par des tensions variant entre 103 et 106 volts.Du côté des grandes longueurs d’onde, le domaine des rayons X est limité pratiquement du fait de l’absorption de plus en plus considérable par toute matière, même de faible densité, si bien que ces rayons, dits rayons mous, deviennent très difficiles à utiliser et à détecter quand la longueur d’onde croît. Les rayons X sont reliés au domaine de l’ultraviolet très lointain par des radiations qui ont été produites et étudiées mais qui sont très peu employées.Du côté des petites longueurs d’onde (rayons «durs»), des sources à très haute tension deviennent nécessaires, et la limitation est due aux difficultés techniques de réalisation. Le domaine des rayons X recouvre celui des rayons 塚 émis par certains atomes radioactifs.1. ProductionLa source usuelle des rayons X est appelée le tube Coolidge , du nom de son inventeur (1917). C’est un tube à vide comportant deux électrodes, une cathode émettrice d’électrons (filament de tungstène chauffé) et une anode, ou anticathode, masse métallique portée à un potentiel positif de l’ordre de 10 à 300 kilovolts dans les tubes ordinaires. Si la source de tension est un simple transformateur, le tube n’émet que pendant l’alternance où l’anode est positive (le tube est dit autoredresseur). Il comporte une fenêtre d’une nature telle qu’elle n’absorbe pas trop les rayons X émis (en verre pour les rayons durs, en béryllium pour les rayons mous, en mylar très mince pour les rayons très mous).Deux phénomènes bien distincts sont à l’origine de la production des rayons X: l’émission du spectre continu, d’une part, et celle des raies caractéristiques, d’autre part.Spectre continuLe spectre d’émission est constitué par un ensemble de radiations dont l’intensité varie de façon continue avec la longueur d’onde. La figure 1 donne l’exemple d’un spectre émis par une anticathode de tungstène. Les faits essentiels sont les suivants:– le spectre comporte un seuil d’émission brusque du côté des courtes longueurs d’onde, cette limite inférieure étant inversement proportionnelle à la tension appliquée;– quand la tension appliquée au tube croît, la proportion des rayonnements de courte longueur d’onde augmente: on dit que le rayonnement devient plus dur.D’après l’électromagnétisme classique, un électron en mouvement accéléré émet une radiation électromagnétique continue. Or, dans le tube de rayons X, l’électron du faisceau cathodique est décéléré brusquement; sa vitesse au moment de l’impact est égal à‘(2e /m )V, soit 50 000 kilomètres par seconde pour V = 8 000 volts; elle s’annule sur un parcours de l’ordre du micron dans le métal de l’anticathode. Il en résulte une impulsion de rayonnement, dite de freinage (Bremsstrahlung ). Mais la présence d’un seuil d’émission ne peut être expliquée que par la théorie quantique. L’énergie de l’électron est transformée par le choc en photon h 益 dont l’énergie ne peut être supérieure à celle de l’électron incident égale à e V. Il existe donc une limite supérieure de la fréquence de la radiation donnée par la relation h 益 = e V, ou encore une limite inférieure de la longueur d’onde, telle que:soit numériquement, en exprimant V en volts et en nanomètres:Dans les expressions précédentes, h est la constante de Planck, 益 la fréquence du rayonnement, e la charge de l’électron et c la vitesse de la lumière.Empiriquement, on peut dire que le maximum du spectre se produit pour une longueur d’onde de l’ordre de (3/2)m . La décroissance vers les grandes longueurs d’onde tient en partie à l’absorption des rayons X dans l’anticathode elle-même et aussi dans la fenêtre de sortie du tube.Des électrons de grande énergie, soumis à un champ magnétique normal à leur vitesse, subissent une accélération et émettent un rayonnement, dit rayonnement synchrotron , qui peut comprendre des radiations X, si l’énergie des électrons est assez grande. Il existe actuellement dans le monde quelques grands accélérateurs qui sont des sources de rayonnement synchrotron, d’une intensité plus de mille fois supérieure à celle des tubes à rayons X classiques.Signalons que des objets variés dans l’univers émettent des rayons X. Ils ne sont pas observables sur terre, parce qu’ils sont absorbés dans l’atmosphère. Mais les observatoires sur satellites ont ouvert l’ère de l’astronomie par rayons X.Raies caractéristiquesAu spectre continu se superpose un spectre de raies dont les longueurs d’onde, indépendantes des conditions de fonctionnement de tube, ne dépendent que de la nature de l’anticathode. Ce sont les raies caractéristiques des atomes constituant l’anticathode.Si l’on compare les spectres caractéristiques de différents éléments, il apparaît d’abord qu’ils comprennent un petit nombre de raies; ils sont plus simples que les spectres optiques et sont constitués par des groupes de raies, désignés par séries: K, L, M, ... Chaque série comporte une suite de raies qui se succèdent de façon homologue: celles-ci forment des séries reconnaissables d’un élément à l’autre, mais les longueurs d’onde sont déplacées (fig. 2). La fréquence 益 d’une raie déterminée dans une série est une fonction simple du nombre atomique Z de l’élément (loi de Moseley ):expression dans laquelle C et 靖 sont des constantes, 靖 étant voisine de 1.Ainsi, la raie K size=1見, la plus intense des raies d’un élément, située dans la série K (en réalité, c’est un doublet très serré K size=1見1 漣 K size=1見2), a une longueur d’onde variant de 0,013 nm pour l’uranium à 1,19 nm pour le sodium; elle se situe dans le domaine des rayons X très mous pour les éléments plus légers.L’origine des raies caractéristiques est la suivante: certains atomes de l’anticathode, sous l’action du choc des électrons du faisceau cathodique, sont ionisés, c’est-à-dire qu’un électron gravitant autour du noyau est expulsé. La place ainsi rendue libre est occupée par un électron d’une orbite plus éloignée du noyau: ce saut est accompagné de l’émission d’un photon dans lequel se retrouve l’énergie que l’électron a perdue en se rapprochant du noyau.Si Wi et Wf sont les énergies initiale et finale, la raie émise aura la fréquence 益 telle que:Comme, dans l’atome, les électrons sont tous à des niveaux d’énergie bien déterminés, il en résulte que l’énergie du photon, liée à sa fréquence, est déterminée: d’où l’émission d’un certain nombre de raies caractéristiques. Par exemple, la raie K size=1見 est émise lors du saut d’un électron de la couche LIII à la couche K. Donc:Les couches électroniques qui interviennent dans l’émission des raies X sont les couches profondes de l’atome: les niveaux d’énergie que peuvent occuper les électrons sont peu nombreux; ils dépendent, en première approximation, uniquement de la charge du noyau central et sont indépendants des électrons extérieurs qui régissent les propriétés chimiques des atomes et les spectres optiques. De là résultent la simplicité des spectres X, leur régularité en fonction du nombre atomique et le fait que les raies sont caractéristiques de l’atome, quel que soit l’état chimique ou physique du corps qui le contient.Les spectres X correspondent à des transitions entre niveaux des électrons de couches profondes, tandis que les spectres optiques proviennent des transitions entre niveaux des couches externes. Ceux-ci sont très nombreux et dépendent de la liaison dans laquelle est engagé l’atome: d’où la complexité des spectres optiques et leur dépendance vis-à-vis des liaisons chimiques.L’émission d’un photon peut aussi correspondre à une transition entre deux états d’un noyau: telle est l’origine des rayons 塚, émis par des noyaux radioactifs. Généralement, les différences d’énergie entre deux états du noyau sont de l’ordre du mégaélectronvolt (longueur d’onde de l’ordre de 10 size=1漣4 nm), mais certaines transitions donnent des radiations du domaine des rayons X. Il y a des atomes radioactifs qui sont des sources de rayons X monochromatiques. Ces sources seraient très commodes mais, malheureusement, elles sont bien moins intenses que les émissions caractéristiques d’un tube à rayons X dans des conditions normales de fonctionnement; la quantité de matière radioactive qui serait nécessaire pour atteindre les mêmes intensités occuperait un volume incompatible avec les applications usuelles des rayons X, où l’on utilise un foyer ponctuel dont les dimensions sont de l’ordre de quelques dixièmes de millimètre. Toutefois, ces sources sont maintenant nécessaires pour les applications de l’effet Mössbauer (cf. effet MÖSSBAUER).2. PropriétésL’interaction des rayons X et de la matière est conditionnée par les valeurs de leurs longueurs d’onde et de l’énergie du photon par rapport, d’une part, aux dimensions des atomes et, d’autre part, aux énergies de liaison des électrons atomiques.Absorption des rayons X dans la matièreL’absorption des rayons X dans la matière se traduit par la diminution de l’intensité du faisceau traversant un écran. Les photons disparus du faisceau transmis ou bien ont été déviés par diffusion ou bien ont été transformés par choc sur les atomes, donc réellement absorbés par la matière par effet photoélectrique.Le cœfficient massique 猪 d’absorption d’un écran est défini par:où d I est la variation de l’intensité du faisceau incident d’intensité I et dp est la masse par centimètre carré de l’écran.L’absorption des rayons X est un phénomène atomique: pour un composé, elle est simplement la somme des absorptions des éléments constituants; elle ne dépend donc pas de leurs modes de liaison. Ainsi, le plomb du cristal (verre au plomb) produit la même absorption qu’une lame de plomb métallique contenant la même quantité de plomb que le verre par unité de surface.L’absorption de toute substance est donc aisément calculable à partir des tables donnant les cœfficients pour les éléments en fonction de la longueur d’onde. D’une façon générale, le cœfficient d’absorption croît avec le nombre atomique (à peu près comme Z3) et avec la longueur d’onde.Les rayons durs, de courte longueur d’onde, peuvent traverser des épaisseurs de matière considérables sans être complètement éteints, et c’est cette propriété, jugée extraordinaire quand on ne connaissait que la lumière, qui a attiré d’abord l’attention sur les rayons X (découverte de Röntgen, 1895). Le tableau donne les épaisseurs des écrans en carbone, fer, plomb, qui réduisent l’intensité à 1/10 de la valeur de l’intensité incidente.Le coefficient d’absorption pour un élément donné présente des discontinuités en fonction de la longueur d’onde qui s’expliquent par le mécanisme de l’effet photoélectrique.Le choc de l’atome et du photon est comparable à celui de l’atome et de l’électron, choc décrit lors de l’étude de l’émission des raies caractéristiques: l’atome qui a absorbé le photon est ionisé, c’est-à-dire qu’un électron est expulsé. Pour qu’une certaine couche électronique puisse être ionisée, il faut que l’énergie du photon h 益 soit supérieure à l’énergie de liaison de l’électron. Une couche donnée, K par exemple, ne sera donc ionisée que par des radiations de fréquence 益 supérieure à 益K, telle que h 益K = WK = hc /K; la longueur d’onde doit donc être inférieure à:À chaque couche électronique correspond une longueur d’onde limite, comme il lui correspond un potentiel limite d’excitation VK (exprimé en volts); ces deux valeurs sont reliées par la relation:Dès que est inférieur àK, l’absorption par la couche K a sa valeur maximale et décroît ensuite avec. Telle est l’origine des brusques discontinuités dans la courbe d’absorption. Le même phénomène se produit pour les couches L, mais les discontinuités sont moins importantes: ainsi, le coefficient d’absorption est multiplié par un facteur de l’ordre de 8 à la limite K; à la limite LIII, ce facteur est voisin de 3.À l’intérieur d’un même domaine de longueurs d’onde (par exemple au-dessous deK, entreK etLIII), le cœfficient d’absorption varie à peu près comme3.Au voisinage de la discontinuité d’absorption, le coefficient d’absorption présente des modulations qui sont dues à l’influence des atomes voisins de l’atome absorbant. Leur étude (désignée par le sigle EXAFS) donne des informations sur la disposition de ces voisins.Un photon X absorbé par un atome en expulse un électron et crée ainsi un ion positif; l’électron éjecté de cette façon peut, à son tour, provoquer l’ionisation des atomes qu’il heurte successivement. Ce phénomène d’ionisation dû aux rayons X est à l’origine de beaucoup de leurs effets.Si un faisceau traverse une chambre remplie de gaz, chaque photon absorbé produit un certain nombre de paires d’ions positifs et d’ions négatifs (les photoélectrons se collent à des atomes neutres). Si l’on recueille ces ions grâce à deux électrodes portées à un potentiel suffisant, un courant d’ionisation traverse la chambre; il est proportionnel à l’intensité du faisceau X et peut donc servir à sa mesure. C’est la chambre d’ionisation .Dans un compteur Geiger-Müller, les ions libérés par l’absorption d’un photon déclenchent une décharge qui peut être enregistrée électroniquement. On compte ainsi le nombre des photons absorbés.Ce sont les photoélectrons qui produisent l’image latente dans les émulsions photographiques. Ils marquent les molécules de nouvelles «images plates», qui sont des récepteurs beaucoup plus sensibles que les films. Enfin, ce sont les photoélectrons qui, par les dommages qu’ils créent dans les tissus vivants, sont la cause des lésions provoquées par les rayons X (radiodermites).Quand un photon a été absorbé et qu’un électron a été expulsé, l’atome se trouve dans un état ionisé, comme après un choc avec un électron cathodique. L’atome, en revenant à l’état normal suivant le même processus, émet donc les raies caractéristiques avec rigoureusement les mêmes longueurs d’onde et les mêmes intensités relatives. Tout corps touché par un faisceau primaire est la source d’un rayonnement caractéristique secondaire, dit rayonnement de fluorescence , mais l’intensité de ce rayonnement est bien inférieure à celle du rayonnement produit par excitation cathodique.Pour qu’une série de raies, K, L, ..., soit produite par bombardement cathodique, il faut que la tension accélératrice des électrons soit supérieure aux tensions d’excitation VK, VL...; de même, il faut, dans la fluorescence, que la longueur d’onde primaire soit inférieure aux longueurs d’onde critique K,L, ..., qui ionisent les couches K, L, ...Diffusion des rayons X par la matièreOutre les rayonnements électroniques ou de fluorescence liés à l’effet photoélectrique, toute matière touchée par les rayons X émet un rayonnement secondaire dont la longueur d’onde est égale à celle du rayonnement primaire, ou très voisine: ce sont les rayons diffusés . En général, pour les rayons X de longueur d’onde moyenne, l’énergie diffusée est faible. Le phénomène n’en est pas moins d’une importance primordiale.Du point de vue fondamental, l’existence d’une diffusion avec changement de longueur d’onde, ou effet Compton, est une des bases expérimentales de la physique quantique. Quant à la diffusion sans changement de longueur d’onde, ou cohérente, elle est à l’origine de l’application scientifique la plus importante des rayons X, la détermination de la structure atomique des cristaux.Effet ComptonC’est en 1926 que A. H. Compton a découvert, en étudiant le spectre du rayonnement diffusé, que celui-ci comportait, à côté de la longueur d’onde de la radiation incidente, une radiation de longueur d’onde légèrement plus grande, la différence ne dépendant pas de la nature du diffuseur mais seulement de l’angle de diffusion. L’effet Compton s’explique simplement en appliquant les lois de la conservation de l’énergie et du moment au choc du photon et d’un électron libre. Le photon est dévié, l’électron acquiert une énergie cinétique qui dépend de l’angle de diffusion, et l’énergie de recul est soustraite à l’énergie du photon h 益. Le photon secondaire h 益 correspond ainsi à une radiation de fréquence moindre, donc de plus grande longueur d’onde que la radiation incidente.Diffusion cohérenteDans le cas de la diffusion sans changement de longueur d’onde, tous les atomes de la matière forment une ensemble de sources cohérentes dont les radiations peuvent interférer. Or les distances entre atomes dans les systèmes condensés sont du même ordre de grandeur que la longueur d’onde des rayons X. Grâce à ces conditions favorables, des phénomènes d’interférences sont observés: au lieu qu’une énergie très faible soit répartie dans tout l’espace, le rayonnement diffusé se concentre dans les directions particulières où il devient bien plus intense. On obtient ainsi des «figures de diffraction», d’où il est possible de déduire des données sur les positions respectives des atomes.Le phénomène élémentaire de la diffusion cohérente est la diffusion d’une onde par un électron. La théorie classique montre, en effet, que seuls les électrons, et non les noyaux, de masses bien plus élevées sont des sources diffusantes. Un atome intervient donc par l’intermédiaire de ses électrons. En première approximation, le nombre atomique Z suffit à le caractériser: l’amplitude de la radiation diffusée est proportionnelle à Z. De plus, la théorie classique montre, ce que vérifie l’expérience, que l’amplitude décroît avec le paramètre sin /, 2 étant l’angle de diffusion et la longueur d’onde.Les interférences entre les «ondelettes» diffusées par les différents atomes d’un corps sont remarquables surtout quand ce corps est un cristal, c’est-à-dire quand les atomes sont périodiquement disposés selon un réseau cristallin. Dans un cristal, les atomes homologues peuvent être groupés, d’une infinité de façons, en familles de plans réticulaires parallèles et équidistants. Soit une famille particulière du cristal irradié par une onde plane de rayons X, de longueur d’onde fixée. Bragg a démontré que les interférences annulaient exactement la radiation diffusée, sauf si l’angle d’incidence sur une famille de plans était relié à la distance interréticulaire d de cette famille par la relation de Bragg :n étant un nombre entier.Pour les angles de Bragg 1, 2, ..., correspondant aux valeurs possibles de n (on doit avoir n 麗 2 d ), les ondes diffusées par tous les atomes sont en phase, donc leurs amplitudes s’ajoutent, ce qui donne naissance à un rayon diffracté dans la direction de réflexion sur les plans réticulaires. Ainsi, quand un rayon diffracté est observé, on en déduit l’orientation des plans réticulaires réfléchissants (perpendiculaires à la bissectrice des rayons incident et diffracté) et leur distance réticulaire:expression dans laquelle est le demi-angle de diffraction mesuré.Les techniques d’analyse des cristaux ont pour but l’observation de réflexions sur de nombreuses familles de plans réticulaires. Elles varient suivant la forme de l’échantillon, cristal isolé ou poudre de microcristaux. Avec ces données, on cherche à déterminer la structure atomique du cristal, ce qui se fait en deux temps. D’abord, on précise la nature et les paramètres de la maille du réseau cristallin: c’est toujours facile si l’on possède un cristal isolé, et même possible si l’on ne dispose que d’une poudre. Ensuite, on détermine la structure du motif d’atome qui se répète de maille en maille. Ce second problème, qui est essentiel pour le cristallographe, est bien plus difficile. Si l’on imagine des cristaux ayant la même maille élémentaire mais des motifs d’atomes différents dans cette maille, les positions angulaires des directions de réflexion sont les mêmes. Ce qui varie, c’est l’intensité relative des réflexions sur les plans réticulaires homologues. Inversement, c’est uniquement de la mesure des intensités réfléchies que l’on peut déduire la structure atomique de la maille. Mais, même si ces mesures d’intensité sont nombreuses et précises, la solution du problème n’est pas donnée par des équations sans ambiguïté.Après la découverte de la diffraction des rayons X par les cristaux (von Laue, W. H. et W. L. Bragg [1912]), les structures les plus simples ont d’abord été décrites (métaux purs, diamant, sel gemme, par exemple), puis celles des cristaux minéraux progressivement plus complexes (calcite, béryl, silicates naturels, par exemple). En 1924, on commença à déterminer la structure des cristaux organiques (benzène, par exemple). Parallèlement au perfectionnement des méthodes expérimentales, la théorie pour l’interprétation des diagrammes de diffraction faisait des progrès importants (méthode de Patterson, synthèses de Fourier). Au lieu des méthodes d’essai et d’erreur, assez aléatoires, des méthodes dites directes, bien plus puissantes, furent proposées et affinées peu à peu (fig. 3).Les possibilités de la diffraction des rayons X ont été révélées de façon spectaculaire quand M. Perutz réussit à découvrir la structure du cristal d’hémoglobine qui ne contient pas moins de 10 000 atomes dans une maille de 150 nm3.La plupart des appareils de diffraction enregistrent automatiquement les intensités réfléchies par un très grand nombre de plans réticulaires. Ces données sont traitées par ordinateur à l’aide de programmes très variés à la disposition des cristallographes, si bien que des structures, même celles de cristaux aussi compliqués que des protéines, peuvent être résolues en des temps courts (quelques semaines). Ainsi, la diffraction des rayons X apporte un élément considérable pour la compréhension de la matière, surtout si ses résultats sont combinés avec ceux d’autres techniques de physico-chimie.La découverte de von Laue et Bragg a ouvert un autre domaine de recherche, la spectrographie des rayons X . En effet, si l’on utilise un cristal connu, la mesure de l’angle de réflexion (cf. supra ) permet de mesurer, par la formule de Bragg, la longueur d’onde.Une famille de plans réticulaires de distance d ne donne, d’après la formule de Bragg, de réflexions que pour les longueurs d’onde inférieures à 2d , c’est-à-dire moins de un nanomètre pour la plupart des réseaux. Certains cristaux exceptionnels permettent d’atteindre 3 nm. Pour les rayons de plus grandes longueurs d’onde, on a utilisé, avec un montage spécial, des réseaux analogues à ceux qui sont employés en spectrographie optique.Chaque raie de fréquence 益 correspond à la transition d’un électron entre deux niveaux séparés par l’énergie E. La formule de Planck, h 益 = E, relie la fréquence à cette énergie. L’ensemble des valeurs des fréquences des raies caractéristiques d’un élément permet d’établir les valeurs des différents niveaux d’énergie, et ces données sont à la base de la connaissance du comportement des électrons des couches profondes de l’atome, comme les spectres optiques renseignent sur les couches externes de l’atome ou des molécules. La spectrographie X a été l’un des fondements de la théorie quantique de la structure de l’atome.3. ApplicationsDes propriétés des rayons X découlent un certain nombre d’applications qui en font l’importance pratique.La radiographieLa faible absorption des rayons X par la matière donne un moyen d’explorer l’intérieur d’objets opaques aux radiations lumineuses. Le principe consiste à faire l’ombre de l’objet à partir d’une source ponctuelle sur un écran fluorescent ou un film photographique; suivant l’épaisseur de l’objet à traverser, on change la longueur d’onde moyenne du rayonnement, donc le coefficient moyen d’absorption, en réglant la tension appliquée au tube à rayons X, de 10 kilovolts pour les objets minces et légers à 300 kilovolts pour les pièces métalliques épaisses (10 cm d’acier). Les variations de l’intensité de l’image correspondent soit à des variations d’épaisseurs si l’objet est homogène, soit à des variations de composition chimique pour des objets hétérogènes, soit à la combinaison de ces deux causes.La radiographie est utilisée en médecine pour l’observation de l’intérieur du corps humain. Les différences de densité des tissus, comme les os et la chair, des cavités ou des corps étrangers sont rendues visibles. Si l’on injecte des substances à hauts poids atomiques, on en suit la répartition dans le sang par exemple.Un grand progrès pour la médecine a été récemment réalisé par le scanographe . On mesure l’absorption du corps suivant une série de nombreuses directions; à partir de ces données, un puissant ordinateur restitue la carte tridimensionnelle de la densité de la matière. Une hétérogénéité de l’ordre de 1 p. 100 dans un volume de l’ordre de quelques millimètres cube peut être décelée.Les doses reçues par le patient en radiographie sont assez faibles pour être inoffensives. Par contre, on utilise aussi en radiothérapie les rayons X à doses considérablement plus fortes pour détruire certains tissus, la difficulté étant de déterminer la géométrie des faisceaux et leur intensité pour minimiser les effets nocifs sur les tissus sains.La radiographie industrielle est utilisée pour contrôler l’état interne de pièces en cours de fabrication ou terminées: détection des hétérogénéités dans les pièces coulées, qualité des soudures des circuits électriques à l’intérieur d’un isolant opaque, etc.Le pouvoir de résolution d’une radiographie est limité par la dimension de la source et par la superposition des ombres provenant de toute l’épaisseur de l’objet. Avec des tubes à foyer très fin (inférieur à 1 猪m), l’objet étant près de la source, on obtient sur un film placé à grande distance des ombres agrandies et d’une netteté telle que l’on distingue des détails de l’ordre de grandeur du diamètre de la source. Une autre technique, la microradiographie, consiste à choisir un objet sous forme de lamelle très mince appliquée contre le film. Avec des rayons mous (tension de l’ordre de 1 kV), on arrive à obtenir des images de coupes biologiques permettant de localiser les éléments lourds à l’échelle du micron, ce qui est un complément très important de l’examen usuel de la préparation au microscope optique.L’analyse radiocristallographiqueLa détermination de la structure atomique des molécules dans les cristaux est un outil essentiel du chimiste et du biochimiste. Un autre usage de la diffraction des rayons X est la recherche des phases dans une poudre de microcristaux. En effet, le diagramme de poudre de l’échantillon est la superposition des diagrammes des phases cristallisées constituantes. Pour les identifier, il existe des programmes informatiques à partir des données sur les phases pures, Powder Diffraction Data, recueillies et classées par International Centre for Diffraction Data (États-Unis). En 1995, ce fichier comporte soixante mille espèces. Cette méthode d’analyse est utilisée en métallographie (structure des alliages), en chimie du solide et en minéralogie.Pour une phase connue, le diagramme de diffraction peut donner des informations détaillées, la grandeur exacte de la maille dépendant des impuretés dissoutes dans la phase et de son état de tension élastique. Les variations sont très faibles, mais la précision de la mesure des paramètres de la maille est telle que ces variations sont utilisables quantitativement.Le cristal réel contient des défauts qui perturbent la parfaite périodicité du cristal idéal parfait: défauts localisés (lacunes, dislocations, macles, entre autres) ou répartis (ordre imparfait dans l’alternance des atomes d’un alliage métallique). Il existe des techniques spéciales de diffraction qui peuvent mettre en évidence ces défauts dont le rôle est important dans la physique du métal: technique de Lang pour la photographie des lignes de dislocation, diffusions anormales provoquées par l’ordre imparfait des atomes dans un cristal mixte.Dans les solides amorphes ou les liquides, il n’existe plus d’ordre à grande distance, mais, néanmoins, la disposition des proches voisins d’un atome donné n’est pas complètement irrégulière comme dans un gaz: on dit qu’il y a un ordre à petite distance, et c’est ce qui caractérise la structure de l’état amorphe. La diffraction des rayons X est capable d’indiquer la répartition statistique des atomes par rapport à un atome pris comme origine. C’est la seule information que l’on tire des données expérimentales. Il y a d’ailleurs de grandes similitudes en ce qui concerne l’ordre à petite distance dans des substances de compositions et de propriétés différentes: cela tient, en particulier, au fait que le paramètre important dans l’empilement des atomes est leur taille et que celle-ci varie relativement peu d’une espèce à l’autre. Aussi les diagrammes de diffraction d’un corps amorphe ne permettent-ils pas de l’identifier, comme cela se fait avec les phases cristallisées.La spectrographie XL’application fondamentale des spectres caractéristiques des différents atomes est la détermination des niveaux d’énergie des électrons. Dans ce cas aussi, il existe des applications plus pratiques qui sont actuellement fort répandues.L’intérêt de la spectrographie X tient à ce que les différents atomes de l’émetteur sont caractérisés séparément les uns des autres. Le spectre observé est, avec une très bonne approximation, indépendant des combinaisons entre atomes. En outre, un autre avantage est la simplicité des spectres: ceux-ci sont semblables pour les différents atomes et comportent un faible nombre de raies qui sont faciles à identifier, même si l’émetteur contient des éléments de nombres atomiques voisins. Ainsi, à l’aide des tables de longueurs d’onde de tous les éléments, le dépouillement du spectre émis par un émetteur contenant plusieurs sortes d’atomes est aisé, ce qui permet une analyse quantitative élémentaire de l’émetteur. Mais l’intensité des raies émises par deux éléments est fonction des proportions relatives de ces éléments. On conçoit donc qu’avec l’aide des spectres étalons obtenus avec des mélanges de proportions connues on puisse faire une analyse quantitative.Pour exciter le spectre X, il y a deux procédés: soit bombarder l’échantillon avec des électrons (excitation directe), soit avec des rayons X de courte longueur d’onde (fluorescence). La seconde méthode est plus aisée car l’échantillon peut être irradié dans l’air par un tube fonctionnant sous haute tension. Tel est le principe de l’analyse par fluorescence X, qui s’est beaucoup développée dans les laboratoires industriels parce que c’est une méthode non destructive d’analyse élémentaire du solide. Chaque élément est caractérisé par la raie d’émission la plus intense; on dispose les détecteurs de façon à enregistrer ces raies. Ainsi, la réponse de ces détecteurs peut être enregistrée puis traitée par ordinateur de façon à donner les proportions des éléments cherchés dans l’échantillon: il existe des analyseurs automatiques à fonctionnement continu. La composition d’un produit (par exemple, une tôle d’alliage ou un mélange d’alimentation d’un four à ciment) peut être contrôlée et éventuellement modifiée instantanément.Si les analyses qualitative ou semi-quantitatives sont très aisées, il est nécessaire de prendre d’assez nombreuses précautions expérimentales et de faire subir de multiples corrections aux résultats bruts pour arriver à une analyse quantitave précise sans erreurs systématiques.L’excitation par électron du spectre d’émission est plus compliquée puisque l’échantillon doit être introduit dans le vide; elle est utilisée dans la microsonde électronique (Castaing, 1952) parce que l’on peut réaliser une analyse ponctuelle de l’échantillon. Le faisceau d’électrons excitateurs est focalisé sur une surface de l’échantillon de l’ordre de 1 micromètre carré. Comme la pénétration des électrons est de l’ordre de 1 micromètre, le volume émetteur est de 1 micromètre cube. Par déplacement de l’échantillon sous le faisceau, on explore point par point sa surface; l’indication des détecteurs disposés de façon à enregistrer la raie caractéristique principale d’un élément reproduit la variation de la teneur de cet élément d’un point à un autre. Dans les microsondes actuelles, la réponse du détecteur peut être envoyée sur l’écran d’un oscillographe cathodique qui est balayé en synchronisme avec le mouvement de l’échantillon. Ainsi, on obtient sur l’écran la carte de la répartition d’un élément avec un pouvoir séparateur de l’ordre de celui d’un microscope optique. En changeant le réglage du détecteur, on obtient successivement les cartes de répartition des divers éléments.L’analyse quantitative, après des corrections diverses, atteint une précision de l’ordre de 1 p. 100.
Encyclopédie Universelle. 2012.